Page 10 - Microsoft Word - La guerre de pacification.doc
P. 10

flotte avait suivi. Alors, l'espace étant trop étroit pour s'étendre, il fallut
            nécessairement renoncer à l'art, et le succès du combat ne dépendit
            plus que de la valeur. Il n'y eut en ce moment ni habitant d'Alexandrie
            ni soldat de nos troupes qui songeât ou à l'attaque ou aux travaux de
            défense ; tous montaient sur les toits et sur les lieux les plus élevés,
            d'où ils pouvaient apercevoir le théâtre du combat, et chacun, par ses
            vœux et ses prières, demandait pour les siens la victoire aux dieux
            immortels.

            16. Au reste, les chances du combat n'étaient pas égales. Pour nous,
            une défaite nous enlevait tout asile sur terre et sur mer, et une
            victoire ne décidait rien : eux, au contraire, vainqueurs ils avaient tout,
            et vaincus ils pouvaient tenter encore la fortune. C'était d'ailleurs
            quelque chose de bien sérieux et de bien triste de voir les plus graves
            intérêts et le salut de tous remis aux mains d'un petit nombre : que
            l'un d'eux vînt à  manquer de constance ou de  courage, il
            compromettait le reste de l'armée, qui n'aurait pu combattre pour elle-
            même. C'est ce que César, les jours précédents, avait souvent répété
            à ses  soldats, afin qu'ils se  conduisissent d'autant plus bravement
            qu'ils allaient avoir entre leurs mains le salut  commun. Chacun en
            allait dit autant à ses camarades, à ses amis, à ses proches, avant
            leur départ, les conjurant de ne pas tromper l'attente de ceux qui les
            avaient choisis pour prendre  part à ce combat.  Aussi se
            comportèrent-ils si vaillamment  que l'art et l'adresse des ennemis,
            habitués a la navigation et à la mer, ne leur furent d'aucun secours,
            que le nombre de leurs vaisseaux, très supérieur a celui des nôtres,
            ne leur servit de rien, et que l'élite de leurs combattants, choisis sur
            une si grande multitude, ne put égaler nos troupes en courage. On
            leur prit dans ce combat une galère à cinq rangs et une à deux rangs,
            avec tous les soldats  et les matelots ; trois furent coulées à fond,
            sans qu'aucun de nos  vaisseaux eût été endommagé. Le reste de
            leurs navires s'enfuit vers la ville, où, des môles et des édifices qui
            nous dominaient, on les défendit si bien qu'il nous fut impossible de
            les atteindre.

            17. César,  voulant empêcher que pareille chose ne se renouvelât,
            crut devoir mettre tout en œuvre pour s'emparer de l'île et de la jetée
            qui y conduisait ; car, les fortifications étant en grande partie
            achevées, il se flattait qu'il pourrait attaquer en même temps l'île et la
            ville. Cette résolution prise, il met sur des barques et des chaloupes
            dix cohortes, l'élite de son infanterie légère, et ceux des cavaliers

                                             16
   5   6   7   8   9   10   11   12   13   14   15