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flotte avait suivi. Alors, l'espace étant trop étroit pour s'étendre, il fallut
nécessairement renoncer à l'art, et le succès du combat ne dépendit
plus que de la valeur. Il n'y eut en ce moment ni habitant d'Alexandrie
ni soldat de nos troupes qui songeât ou à l'attaque ou aux travaux de
défense ; tous montaient sur les toits et sur les lieux les plus élevés,
d'où ils pouvaient apercevoir le théâtre du combat, et chacun, par ses
vœux et ses prières, demandait pour les siens la victoire aux dieux
immortels.
16. Au reste, les chances du combat n'étaient pas égales. Pour nous,
une défaite nous enlevait tout asile sur terre et sur mer, et une
victoire ne décidait rien : eux, au contraire, vainqueurs ils avaient tout,
et vaincus ils pouvaient tenter encore la fortune. C'était d'ailleurs
quelque chose de bien sérieux et de bien triste de voir les plus graves
intérêts et le salut de tous remis aux mains d'un petit nombre : que
l'un d'eux vînt à manquer de constance ou de courage, il
compromettait le reste de l'armée, qui n'aurait pu combattre pour elle-
même. C'est ce que César, les jours précédents, avait souvent répété
à ses soldats, afin qu'ils se conduisissent d'autant plus bravement
qu'ils allaient avoir entre leurs mains le salut commun. Chacun en
allait dit autant à ses camarades, à ses amis, à ses proches, avant
leur départ, les conjurant de ne pas tromper l'attente de ceux qui les
avaient choisis pour prendre part à ce combat. Aussi se
comportèrent-ils si vaillamment que l'art et l'adresse des ennemis,
habitués a la navigation et à la mer, ne leur furent d'aucun secours,
que le nombre de leurs vaisseaux, très supérieur a celui des nôtres,
ne leur servit de rien, et que l'élite de leurs combattants, choisis sur
une si grande multitude, ne put égaler nos troupes en courage. On
leur prit dans ce combat une galère à cinq rangs et une à deux rangs,
avec tous les soldats et les matelots ; trois furent coulées à fond,
sans qu'aucun de nos vaisseaux eût été endommagé. Le reste de
leurs navires s'enfuit vers la ville, où, des môles et des édifices qui
nous dominaient, on les défendit si bien qu'il nous fut impossible de
les atteindre.
17. César, voulant empêcher que pareille chose ne se renouvelât,
crut devoir mettre tout en œuvre pour s'emparer de l'île et de la jetée
qui y conduisait ; car, les fortifications étant en grande partie
achevées, il se flattait qu'il pourrait attaquer en même temps l'île et la
ville. Cette résolution prise, il met sur des barques et des chaloupes
dix cohortes, l'élite de son infanterie légère, et ceux des cavaliers
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