Page 12 - 2. La guerre civile
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donc  à  eux  de  pourvoir  à  leur  sûreté."  Les  Marses  s'y  opposent  et
            s'emparent  de  la  partie  de  la  ville  la  plus  fortifiée ;  la  querelle
            s'échauffe  au  point  qu'ils  sont  près  d'en  venir  aux  mains :  mais
            bientôt,  après  quelques  pourparlers,  les  Marses  apprennent
            l'abandon  de  Domitius  qu'ils  ignoraient.  Alors  tous  d'un  commun
            accord, ayant amené Domitius sur la place, l'entourent, le surveillent,
            et envoient des députés à César pour l'assurer qu'ils sont près à lui
            ouvrir leurs portes, à obéir à ses ordres, et à remettre Domitius en
            son pouvoir.

            21.  A  cette  nouvelle,  César,  bien  que  persuadé  qu'il  lui  importait
            d'être au plus tôt maître de la  ville, et de joindre à ses troupes les
            cohortes  qui  s'y  trouvaient,  de  crainte  que  des  largesses,  une
            harangue ou de fausses nouvelles ne vinssent à changer les esprits,
            tout, à la guerre, dépendant du moment ; craignant néanmoins que,
            dans  la  licence  d'une  entrée  nocturne,  la  ville  ne  fût  pillée  par  ses
            soldats, il se contenta de donner de grands éloges aux députés, et
            les  renvoya  en  leur  recommandant  de  s'assurer  des  portes  et  des
            remparts. En même temps il place ses troupes le long des lignes, non
            plus de distance en distance, comme les jours précédents, mais de
            façon  que  les  gardes  et  les  sentinelles  se  touchent  l'un  l'autre  et
            garnissent  tous  les  retranchements.  Il  fait  faire  des  rondes  par  les
            tribuns et les préfets militaires, et leur recommande d'avoir toujours
            l'oeil, non seulement sur les sorties, mais encore sur toute évasion
            d'individus isolés. Personne dans l'armée n'eut le cœur assez mou,
            assez  languissant,  pour  se  permettre  cette  nuit-là  un  moment  de
            repos. Tous les esprits étaient dans l'attente de ce qui allait arriver ;
            tous,  emportés  loin  d'eux-mêmes,  se  demandaient  avec  inquiétude
            ce  que  deviendraient  et  les  habitants  de  Corfinium,  et  Domitius,  et
            Lentulus, et les autres, et quelle serait la suite de ces événements.

            22. Vers la quatrième veille, Lentulus Spinther adresse la parole du
            haut  de  la  muraille  à  nos  sentinelles  et  à  nos  gardes,  disant  qu'il
            désire  qu'on  lui  permette  de  parler  à  César.  La  permission  lui  en
            ayant été accordée, il sort de la ville, et les soldats de Domitius ne le
            quittent que lorsqu'il est en présence de César. Alors il lui demande
            la vie, il le conjure de l'épargner, invoque leur ancienne amitié, et lui
            rappelle les grandes bontés que César a eues pour lui : ainsi il l'avait
            fait  admettre  dans  le  collège  des  pontifes,  lui  avait  fait  obtenir  le
            gouvernement de l'Espagne au sortir de sa préture, et avait appuyé
            sa  demande  pour  le  consulat.  César  l'interrompt,  et  lui  dit  qu'il  n'a

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