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Bokito était l’un des multiples neveux du chef du village ; son
            père étant le cadet de la cinquième et dernière épouse de son
            grand-père. Il vivait avec sa mère et ses trois sœurs dont l’une
            était  l’aînée  de  la  fratrie  lui-même  étant  le  second.  Pour  tout
            héritage,  il  avait  obtenu  une  forêt  de  plusieurs  centaines
            d’hectares ; une forêt équatoriale difficilement exploitable car
            inextricable et couverte d’arbres géants : Okoumé, Bongossi et
            autres kapokiers ; une vraie malédiction ! Seuls quelques manguiers
            sauvages avec leurs fruits et leurs amandes très recherchées pour la
            cuisine lui procuraient quelques satisfactions. Il fallait consacrer un
            temps fou pour débroussailler entre les imposantes racines de ces
            grands  arbres  afin  de  dégager  la  moindre  parcelle  de  terre
            cultivable. Sinon faire des kilomètres pour arriver dans la clairière
            bordée par une rivière dont une portion de la rive délimitait son
            domaine.


            Pendant la saison des pluies, la rivière en crue sortait de son lit
            et inondait une grande partie de la clairière ; en se retirant, le
            limon  qu’elle  déposait,  devenait  un  excellent  fertilisant.
            L’inconvénient,  c’est  que  cette  parcelle  était  inutilisable  une
            bonne moitié de l’année et surtout, elle se situait loin du village.
            S’y rendre seul et y travailler des journées entières comportaient
            des risques dont il fallait tenir compte. Ce qui fait que Bokito,
            malgré son indéniable courage et son ardeur au labeur, aurait dû
            vivre ainsi que sa famille, dans des conditions particulièrement
            dures et précaires, s’ils n’avaient eu à compter que sur ce qu’ils
            cultivaient ; d’autant plus que les éléphants et les phacochères le
            jour, les hippopotames la nuit, se chargeaient parfois du saccage
            des plantations.


            Heureusement, la rivière était poissonneuse ; alors Bokito posait
            des nasses et des filets ou pêchait à l’épervier, disciplines que
            son  oncle  maternel  lui  avait  enseignées.  Ce  dernier  l’avait


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