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sauver et à disparaître, d’autres se suicidaient. Il y avait aussi des
            trépas,  conséquences  des  brutalités  des  gardes  sadiques. Tous
            ces crimes restaient impunis, l’efficacité et le rendement étant
            les  seules  valeurs  objectives  reconnues.  Les  décès  étaient
            signalés au chef du village d’origine du trépassé, qui répercutait
            la nouvelle à la famille du mort ; celle-ci pouvait venir chercher
            la dépouille de leur parent lorsque le corps était récupérable ;
            sinon  celui-ci  était  sommairement  enterré  sur  le  site  ou
            abandonné aux charognards, là où il se trouvait si l’endroit était
            difficilement accessible.
            Les survivants rentraient chez eux, aussi riches qu’à leur arrivée
            dans cette galère avec la certitude d’avoir payé trop cher leur
            séjour et surtout d’y avoir laissé une bonne partie de leur santé.
            Bokito  était  systématiquement  envoyé  au  chantier  de  la
            construction  du  chemin  de  fer.  Un  travail  harassant  et
            particulièrement  dangereux  surtout  lorsqu’il  fallait  creuser  des
            tunnels en attaquant la roche à la barre à mine ; celle-ci portée sur
            l’épaule était martelée par celui qui était derrière le dernier porteur
            lorsqu’il y en avait plusieurs ; une maladresse du cogneur et c’était
            presque  à  coup  sûr  la  mort  du  porteur  sinon  la  mutilation.  Le
            maladroit  était  alors  tenu  de  prendre  la  place  du  défunt  ou  du
            traumatisé, suivant le cas. On ne comptait plus les victimes de ce jeu
            de massacre ; une véritable hécatombe !
            Chaque  fois  qu’il  revenait  du  bagne,  il  faut  bien  se  rendre  à
            l’évidence  qu’on  ne  peut  nommer  autrement  ces  chantiers,  il
            était toujours au bord de l’agonie. Il récupérait relativement vite
            grâce à sa robuste constitution et aux soins que lui prodiguaient
            sa  mère  et  ses  trois  sœurs.  Mais  cette  situation  ne  pouvait
            perdurer. Il fallait absolument arrêter les frais.










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