Page 17 - mbosie
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Après le chef, c’est le cousin abhorré qu’il frappa. Chaque fois
            que  l’administration  avait  besoin  d’hommes  pour  les  travaux
            forcés, Bokito était embrigadé d’office. Il avait beau protester,
            demandant un roulement parmi les villageois ou tout au moins
            une  pose,  personne  ne  l’écoutait.  Il  faisait  toujours  partie  du
            contingent délégué par son village. Sa mère essaya de raisonner
            Kobiyo trouvant injuste la réquisition systématique de son fils
            qui, de plus, était le seul homme de la famille. « Tu es bien placé
            alors fais quelque chose pour ton cousin, ils vont le tuer » ! finit-
            elle par crier. Kobiyo resta sourd aux sollicitations de sa tante.
            Et pour cause ! C’est lui qui donnait les ordres ; il assouvissait
            ainsi sa vengeance avec cynisme et délectation.



                              Regard sur l’indigénat



            Les  travaux  forcés  ?  Un  avatar  de  l’esclavage  !  Ceux  qui  y
            étaient  contraints  le  constataient  à  leurs  dépens.  Lever  à  cinq
            heures du matin, une infâme bouillie de maïs, de manioc ou des
            restes  à  peine  réchauffés  du  repas  de  la  veille  pour  petit
            déjeuner et, dès six heures, travaux éreintants activés par des
            garde-chiourmes  cruels,  armés  de  chicottes  en  rotin  ou  de
            gourdins, qui vous forçaient souvent à chanter pendant les durs
            travaux imposés, sous la pluie ou sous un soleil de plomb. Le
            refus d’obtempérer donnait droit à une avalanche de coups de
            chicottes et de gourdins ; coups de poing, coups de pied, jusqu’à
            la soumission, parfois la mort.
            Pause d’une demi-heure à midi. On vous servait alors dans des
            écuelles ou des feuilles de bananier un infect repas à base de
            manioc ou des bananes plantain, de la verdure constituée le plus
            souvent par des feuilles de manioc pilées cuites à l’eau, ou alors
            un bouillon où apparaissaient parfois quelques morceaux d’os
            entourés de viande grise, graisseuse et visqueuse peu ragoûtante,

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