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où s’accrochaient des lambeaux de peaux de bêtes mal flambées,
            provenant des animaux que les autorités des villages environnant
            étaient tenus de fournir pour le ravitaillement de cette population
            itinérante. Affamés, les bagnards engloutissaient cette manne avec
            voracité. Il y avait souvent des bagarres, les plus costauds voulant
            s’approprier  la  pitance  des  faibles  ;  il  va  sans  dire  que
            l’encadrement était soigné et servi copieusement.
            Une  fois  dans  la  matinée  puis  dans  l’après-midi,  les  forçats
            étaient  conduits  par  groupes  vers  les  tonneaux  d’eau  pour  se
            réhydrater  ;  cet  intermède  constituait  la  pause.  Le  travail  ne
            cessait que vers dix-huit heures. Lorsqu’il y avait un cours d’eau
            dans les environs, les chiourmes pouvaient s’y rendre certains
            jours,  par  groupes,  accompagnés  de  gardes  vigilants  pour  se
            laver sinon, il fallait faire la queue afin d’accéder aux tonneaux
            d’eau  pour  d’éventuelles  ablutions,  mais  il  n’y  avait  jamais
            assez d’eau pour tout le monde. Des pluies diluviennes venaient
            parfois à la rescousse. Quoi qu’il en soit, il fallait supporter la
            puanteur que dégageait cette cohorte.

            Retour au camp où on leur servait dehors, les restes du repas de
            midi. Couvre-feu à vingt heures. Ils s’entassaient dans des baraques
            ou des cabanes bâties à la hâte, sans le moindre équipement et ils
            dormaient sur des nattes posées à même le sol sans autre confort
            que le pagne qui leur servait de couverture. Le lendemain, le cycle
            des activités reprenait invariablement son cours.

            Les ingénieurs et les contremaîtres européens supervisaient de
            loin les travaux ; venant de temps en temps sur place manipuler
            les explosifs, vérifier si leurs directives étaient respectées et si
            les travaux avançaient suivant leurs prévisions.


            Pour certains forçats, la corvée durait des semaines ; pour d’au-
            tres,  surtout  les  fortes  têtes,  il  fallait  compter  des  mois.
            Beaucoup ne supportaient pas ce régime, certains arrivaient à se


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