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Kobiyo d’avorton et de monstrueuse erreur ! Il les mit sans
ménagement à la porte en leur recommandant de ne plus jamais
venir l’importuner ; une fin de non recevoir claire et nette.
Notons à sa décharge, qu’il était plus de dix heures et demie du
matin lorsque Kobiyo et sa mère se présentèrent chez lui ; c’était
déjà trop tard ! Car pour avoir une conversation sérieuse avec
lui, il fallait impérativement le voir avant dix heures ; après cette
heure, il était déjà abruti par l’alcool ; il préférait désormais le
rhum au traditionnel vin de palme rangé dans la catégorie des
bibines.
Il faut vous dire que l’irruption de l’argent, avec son formidable
pouvoir de corruption, avait complètement travesti les rapports
aussi bien économiques que sociaux à l’intérieur des communautés.
Son autorité contestée, l’administration coloniale ayant
pratiquement confisqué ses compétences, tous ces
bouleversements l’avaient rendu paranoïaque. Il s’était réfugié
dans la biture. C’était désormais sa première épouse qui, de fait,
régentait la chefferie. Elle menaça de sévices Kobiyo et sa mère si
jamais ils revenaient agacer son mari. Kobiyo sortit de là
totalement désemparé. Être traité d’avorton et de monstrueuse
erreur par son propre père dépassait l’entendement. Après le
désarroi, c’est la haine qui prit le relais. Il promit de se venger à la
moindre occasion.
Kobiyo fut réquisitionné d’office, par le chef contraint et forcé
de satisfaire aux exigences de l’administration coloniale, qui
cherchait des jeunes gens pour former les cadres autochtones,
destinés à servir de courroies de transmission entre elle et la
population indigène.
Les notables étaient plus que réticents, pour ne pas dire hostiles,
à l’embrigadement de leurs enfants dans cette aventure ; ils
pensaient que les plus doués de leurs fils avaient mieux à faire
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