Page 8 - mbosie
P. 8

soit  par  des  non-lieux,  faute  de  preuves  tangibles,  soit  par  la
            condamnation  du  plaignant,  car  les  interprètes  soudoyés  par
            Kobiyo, s’arrangeaient pour falsifier la traduction des griefs et
            des  plaidoyers  des  accusateurs,  qui  s’exprimaient  en  langue
            vernaculaire auprès de l’européen chargé de rendre la justice.


            La population le craignait et le haïssait ; il le savait mais n’en
            avait cure. Apparemment, plus on le détestait, plus l’enflure de
            son  ego  prenait  du  volume.  Il  avait  fait  construire  dans  son
            village natal, une magnifique villa en dur : briques rouges, toit
            en tôles ondulées peintes en vert, un étage ; elle dominait toutes
            les autres maisons y compris celle du chef du village.

            C’était l’un des nombreux enfants illégitimes du chef. Avant son
            ascension  sociale,  il  vivait  à  peine  modestement  au-delà  de
            l’espace réservé à la chefferie, en compagnie de sa mère, son
            frère aîné et sa sœur cadette. Las de cette condition aggravée par
            la malaria qui rongeait sa mère, il demanda une entrevue à son
            géniteur pour avoir une aide afin d’améliorer leur situation ; sa
            mère l’accompagna avec l’espoir d’attendrir son ancien amant.
            L’entrevue fut particulièrement pénible pour les deux solliciteurs ;
            c’est la mère de Kobiyo qui prit la première la parole ; elle lui
            allégua entre autres arguments que la maladie l’empêchait depuis
            quelque  temps  de  s’occuper  décemment  de  ses  enfants  ;  c’est
            pourquoi elle l’implorait pour qu’il leur accorde son aide. Il ne dit
            mot mais se tourna vers son fils en lui demandant sans aucune
            chaleur humaine : « Et toi qu’est-ce que tu veux » ? Énervé d’être
            ainsi apostrophé, Kobiyo répondit sans ambages : « Je veux que
            tu  me  traites  comme  ton  enfant  ;  il  faut  que  tu  assumes  tes
            devoirs ; alors il faut que tu t’occupes de moi comme tu le fais
            pour les autres » ! Devant autant d’aplomb, le chef perdit tout
            son  sang-froid  ;  il  coupa  la  parole  à  l’insolent  et  se  mit  à
            proférer des paroles particulièrement dures ; pour finir, il traita


                                          14
   3   4   5   6   7   8   9   10   11   12   13