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soit par des non-lieux, faute de preuves tangibles, soit par la
condamnation du plaignant, car les interprètes soudoyés par
Kobiyo, s’arrangeaient pour falsifier la traduction des griefs et
des plaidoyers des accusateurs, qui s’exprimaient en langue
vernaculaire auprès de l’européen chargé de rendre la justice.
La population le craignait et le haïssait ; il le savait mais n’en
avait cure. Apparemment, plus on le détestait, plus l’enflure de
son ego prenait du volume. Il avait fait construire dans son
village natal, une magnifique villa en dur : briques rouges, toit
en tôles ondulées peintes en vert, un étage ; elle dominait toutes
les autres maisons y compris celle du chef du village.
C’était l’un des nombreux enfants illégitimes du chef. Avant son
ascension sociale, il vivait à peine modestement au-delà de
l’espace réservé à la chefferie, en compagnie de sa mère, son
frère aîné et sa sœur cadette. Las de cette condition aggravée par
la malaria qui rongeait sa mère, il demanda une entrevue à son
géniteur pour avoir une aide afin d’améliorer leur situation ; sa
mère l’accompagna avec l’espoir d’attendrir son ancien amant.
L’entrevue fut particulièrement pénible pour les deux solliciteurs ;
c’est la mère de Kobiyo qui prit la première la parole ; elle lui
allégua entre autres arguments que la maladie l’empêchait depuis
quelque temps de s’occuper décemment de ses enfants ; c’est
pourquoi elle l’implorait pour qu’il leur accorde son aide. Il ne dit
mot mais se tourna vers son fils en lui demandant sans aucune
chaleur humaine : « Et toi qu’est-ce que tu veux » ? Énervé d’être
ainsi apostrophé, Kobiyo répondit sans ambages : « Je veux que
tu me traites comme ton enfant ; il faut que tu assumes tes
devoirs ; alors il faut que tu t’occupes de moi comme tu le fais
pour les autres » ! Devant autant d’aplomb, le chef perdit tout
son sang-froid ; il coupa la parole à l’insolent et se mit à
proférer des paroles particulièrement dures ; pour finir, il traita
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