Page 15 - Mise en page 1
P. 15

Mais l’heure n’était pas au dialogue, l’heure était au départ.
            Après avoir préparé son attaché-case, il remit son blouson gris puis enfila
            ses gants et sortit de ce local. Ayant trotté quelques mètres, il regarda le
            panneau indicateur qui se trouvait au-dessus d’un magasin de
            chaussures. Ce sont de ces panneaux électroniques de type digital à
            luminosité rouge ; par moment, ils affichent l’heure et quelques secondes
            plus tard, au tour de l’affichage de la température ; c’est de l’intermittent.
            Il indiquait 11h.52. Nino marcha d’un pas lent jusque l’arrêt du tram.
            Quelqu’un de plus pressé que lui l’apostropha :

            - Monsieur, excusez-moi ; le tram pour Leval, c’est à quelle heure ?
            - C’est à 25, vous avez près d’une demi- heure devant vous,  répondit
            Nino
            - On voit que vous n’êtes pas pressé vous  fit l’autre.
            - Non, je ne suis plus pressé et même si je l’étais, je n’y puis rien !

            Et ils restèrent là... Nino marcha de long en large pour faire passer le
            temps. Et son esprit fit une sorte de va-et-vient dans le passé et le futur,
            une vision d’idées noires le pourchassait. Puis des questions sans
            réponses du genre : vais-je encore trouver du travail à mon âge ? Que
            va dire ma femme ? Et dire qu’elle a arrêté il y a un an.

            Et les enfants quelle image auront-ils de moi ? Faudra-t-il changer de
            domicile ? Qu’ai-je fait de mal ? Et si Dieu existe qu’attend-Il ? Les
            minutes passèrent toujours en silence et sans réponse. Le long de la route
            les voitures roulaient dans un sens et dans l’autre, les gens sur les
            trottoirs léchaient les vitrines : les uns se trouvaient dehors, les autres
            entraient. Certains d’entre eux ressortaient avec les mains pleines de
            paquets ou de sacs. Tout un monde bougeait, vivait.

            Chacune de ces personnes a ses joies et ses peines, car qui n’a pas de
            haut et de bas pour la quête du bonheur. Pour les uns il s’agit de travailler
            dans ce qu’on aime si c’est possible, pour d’autres ; c’est l’argent, le
            pouvoir, la position sociale, les passions de toutes sortes. Et malgré ce
            qu’on a, il manquera toujours quelque chose. Il est très difficile que l’être
            et l’avoir mangent à la même table. Pour quelles raisons devraient-ils



                                              15
   10   11   12   13   14   15   16   17   18   19   20