Page 9 - La guerre des Gaules
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13. Après avoir livré cette bataille, César, afin de pouvoir poursuivre
            le reste de l'armée helvète, fait jeter un pont sur la Saône et par ce
            moyen porte son armée sur l'autre rive. Sa soudaine  approche
            surprend les Helvètes, et ils s'effraient de voir  qu'un jour lui a suffi
            pour franchir la rivière, quand ils ont eu beaucoup de peine à le faire
            en vingt. Ils lui envoient une ambassade : le chef en était Divico, qui
            avait commandé aux Helvètes dans la guerre contre Cassius. Il tint à
            César ce langage « Si le peuple Romain faisait la paix avec les
            Helvètes, ceux-ci iraient où César voudrait, et s'établiraient à l'endroit
            de son choix ; mais s'il persistait à les traiter en ennemis, il ne devait
            pas oublier que les  Romains avaient éprouvé autrefois quelque
            désagrément, et qu'un long passé consacrait la vertu guerrière des
            Helvètes. Il s'était jeté à l'improviste sur les troupes d'un canton, alors
            que ceux qui avaient passé la rivière ne pouvaient porter secours à
            leurs frères ; il ne devait pas pour cela trop présumer de sa valeur ni
            mépriser ses adversaires. Ils avaient appris de leurs aïeux à préférer
            aux entreprises de ruse et de fourberie la lutte ouverte où le plus
            courageux triomphe. Qu'il prît donc garde les lieux où ils s'étaient
            arrêtés pourraient bien emprunter un nom nouveau à une défaite
            romaine et à la destruction de son armée, ou en transmettre le
            souvenir. »

            14. César répondit en ces termes : « Il hésitait d'autant moins sur le
            parti à prendre que les faits rappelés par les ambassadeurs helvètes
            étaient présents à sa mémoire, et il avait d'autant plus de peine à en
            supporter l'idée que le peuple Romain était moins responsable de ce
            qui s'était passé. Si, en effet, il avait eu conscience d'avoir causé
            quelque tort, il ne lui eût pas été difficile de prendre ses précautions ;
            mais ce qui l'avait trompé, c'est qu'il ne voyait rien dans sa conduite
            qui lui donnât sujet de craindre,  et qu'il ne pensait pas qu'il dût
            craindre sans motif. Et à supposer qu'il consentît à oublier l'ancien
            affront, leurs nouvelles insultes tentative pour passer de force à
            travers la province dont on leur refusait l'accès, violences contre les
            Héduens, les Ambarres, les Allobroges, pouvait-il les oublier ? Quant
            à l'insolent orgueil que leur inspirait leur victoire, et à leur étonnement
            d'être restés si  longtemps impunis, la résolution de César s'en
            fortifiait. Car les dieux immortels, pour faire sentir plus durement les
            revers de la fortune aux hommes  dont ils veulent punir les crimes,
            aiment à leur accorder des moments de chance et un certain délai
            d'impunité. Telle est la situation ;  pourtant, s'ils lui donnent des
            otages qui lui soient une garantie de l'exécution de leurs promesses,

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