Page 12 - La guerre des Gaules
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aimait et favorisait les Helvètes à cause de cette union ; en outre, il
nourrissait une haine personnelle contre César et les Romains, parce
que leur arrivée avait diminué son pouvoir et rendu à son frère
Diviciacos crédit et honneurs d'autrefois. Un malheur des Romains
porterait au plus haut ses espérances de devenir roi grâce aux
Helvètes ; la domination romaine lui ferait perdre l'espoir non
seulement de régner, mais même de conserver son crédit. »
L'enquête de César lui apprit encore que, dans le combat de
cavalerie défavorable à nos armées qui avait eu lieu quelques jours
auparavant, Dumnorix et ses cavaliers avaient été les premiers à
tourner bride (la cavalerie auxiliaire que les Héduens avaient fournie
à César était, en effet, commandée par Dumnorix) ; c'était leur fuite
qui avait jeté la panique dans le reste de la troupe.
19. Aux soupçons que faisaient maître ces renseignements se
joignaient d'absolues certitudes : il avait fait passer les Helvètes à
travers le pays des Séquanes ; il s'était occupé de faire échanger des
otages entre les deux peuples ; il avait agi en tout cela non seulement
sans l'ordre de César ni de ses concitoyens, mais encore à leur insu ;
il était dénoncé par le premier magistrat des Héduens. César pensait
qu'il y avait là motif suffisant pour sévir lui-même ou inviter sa cité à le
punir. A ces raisons, une seule s'opposait : il avait pu apprécier chez
Diviciacos, frère du traître, un entier dévouement au peuple romain,
un très grand attachement à sa personne, les plus remarquables
qualités de fidélité, de droiture, de modération ; et il craignait de lui
porter un coup cruel en envoyant son frère au supplice. Aussi, avant
de rien tenter, il fait appeler Diviciacos, et, écartant ses interprètes
ordinaires, il a recours, pour s'entretenir avec lui, à Caïus Valérius
Troucillus, grand personnage de la Gaule romaine, qui était son ami
et en qui iI avait la plus entière confiance. Il lui rappelle ce qu'on a dit
de Dumnorix en sa présence, dans le conseil, et lui fait connaître les
renseignements qu'il a obtenus dans des entretiens particuliers ; il le
prie instamment de ne pas s'offenser s'il statue lui-même sur le
coupable après information régulière ou s'il invite sa cité à le juger.
20. Diviciacos, tout en larmes, entoure César de ses bras et le
conjure de ne pas prendre contre son frère des mesures trop
rigoureuses. Il savait qu'on avait dit vrai, et personne n'en souffrait
plus que lui : car alors qu'il jouissait dans son pays et dans le reste de
la Gaule d'une très grande influence et que son frère, à cause de son
jeune âge, n'en possédait aucune, il l'avait aidé à s'élever ; et la
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