Page 15 - La guerre des Gaules
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disloquée, ils tirèrent l'épée et chargèrent. Les Gaulois éprouvaient
un grave embarras du fait que souvent un seul coup de javelot avait
percé et fixé l'un à l'autre plusieurs de leurs boucliers ; comme le fer
s'était tordu, ils ne pouvaient l'arracher, et, n'ayant pas le bras gauche
libre, ils étaient gênés pour se battre : aussi plusieurs, après avoir
longtemps secoué le bras, préféraient-ils laisser tomber les boucliers
et combattre à découvert. Enfin, épuisés par leurs blessures, ils
commencèrent à reculer et à se replier vers une montagne qui était à
environ un mille de là. Ils l'occupèrent, et les nôtres s'avançaient pour
les en déloger quand les Boïens et les Tulinges, qui, au nombre
d'environ quinze mille, fermaient la marche et protégeaient les
derniers éléments de la colonne, soudain attaquèrent notre flanc droit
et cherchèrent à nous envelopper ; ce que voyant, les Helvètes qui
s'étaient réfugiés sur la hauteur redevinrent agressifs et engagèrent à
nouveau le combat. Les Romains firent une conversion et attaquèrent
sur deux fronts la première et la deuxième lignes résisteraient à ceux
qui avaient été battus et forcés à la retraite, tandis que la troisième
soutiendrait le choc des troupes fraîches.
26. Cette double bataille fut longue et acharnée. Quand il ne leur fut
plus possible de supporter nos assauts, ils se replièrent, les uns sur
la hauteur, comme ils l'avaient fait une première fois, les autres
auprès de leurs bagages et de leurs chariots. Pendant toute cette
action, qui dura de la septième heure du jour jusqu'au soir, personne
ne put voir un ennemi tourner le dos. On se battit encore autour des
bagages fort avant dans la nuit les Barbares avaient en effet formé
une barricade de chariots et, dominant les nôtres, ils les accablaient
de traits à mesure qu'ils approchaient ; plusieurs aussi lançaient par-
dessous, entre les chariots et entre les roues, des piques et des
javelots qui blessaient nos soldats. Après un long combat, nous nous
rendîmes maîtres des bagages et du camp. La fille d'Orgétorix et un
de ses fils furent faits prisonniers. Cent trente mille hommes environ
s'échappèrent, et durant cette nuit-là ils marchèrent sans arrêt ; le
quatrième jour, sans jamais avoir fait halte un moment la nuit, ils
arrivèrent chez les Lingons ; nos troupes n'avaient pu les suivre,
ayant été retenues trois jours par les soins à donner aux blessés et
par l'ensevelissement des morts. César envoya aux Lingons une
lettre et des messagers pour les inviter à ne fournir aux Helvètes ni
ravitaillement, ni aide d'aucune sorte ; sinon, il les traiterait comme
eux. Et lui-même, au bout de trois jours, se mit à les suivre avec toute
son armée.
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