Page 11 - La guerre des Gaules
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cela, quand c'est en grande partie pour répondre à leurs prières qu'il
a entrepris la guerre ; plus vivement encore il leur reproche d'avoir
trahi sa confiance.
17. Ces paroles de César décident Liscos à dire enfin ce que
jusqu'alors il avait tu : « Il y a un certain nombre de personnages qui
ont une influence prépondérante sur le peuple, et qui, simples
particuliers, sont plus puissants que les magistrats eux-mêmes. Ce
sont ceux-là qui, par leurs excitations criminelles, détournent la
masse des Héduens d'apporter le blé qu'ils doivent : ils leur disent
qu'il vaut mieux, s'ils ne peuvent plus désormais prétendre au premier
rang dans la Gaule, obéir à des Gaulois qu'aux Romains ; ils se
déclarent certains que, si les Romains triomphent des Helvètes, ils
raviront la liberté aux Héduens en même temps qu'au reste de la
Gaule. Ce sont ces mêmes personnages qui instruisent l'ennemi de
nos plans et de ce qui se passe dans l'armée ; il est impuissant à les
contenir. Bien plus : s'il a attendu d'y être forcé pour révéler à César
une situation aussi grave, c'est qu'il se rend compte du danger qu'il
court ; voilà pourquoi, aussi longtemps qu'il l'a pu, il a gardé le
silence. »
18. César sentait bien que ces paroles de Liscos visaient Dumnorix,
frère de Diviciaros ; mais, ne voulant pas que l'affaire soit discutée en
présence de plusieurs personnes, il congédie promptement
l'assemblée, et ne retient que Liscos. Seul à seul, il l'interroge sur ce
qu'il avait dit dans le conseil. Celui-ci parle avec plus de liberté et
d'audace. César interroge en secret d'autres personnages ; il
constate que Liscos a dit vrai. « C'était bien Dumnorix : l'homme était
plein d'audace, sa libéralité l'avait mis en faveur auprès du peuple, et
il voulait un bouleversement politique. Depuis de longues années il
avait à vil prix la ferme des douanes et de tous les autres impôts des
Héduens, parce que, lorsqu'il enchérissait, personne n'osait enchérir
contre lui. Cela lui avait permis d'amasser, tout en enrichissant sa
maison, de quoi pourvoir abondamment à ses largesses ; il
entretenait régulièrement, à ses frais, une nombreuse cavalerie qui lui
servait de garde du corps, et son influence ne se limitait pas à son
pays, mais s'étendait largement sur les nations voisines. Il avait
même, pour développer cette influence, marié sa mère, chez les
Bituriges, à un personnage de haute noblesse et de grand pouvoir ;
lui-même avait épousé une Helvète ; sa sœur du côté maternel et des
parentes avaient été mariées par ses soins dans d'autres cités. Il
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