Page 14 - La guerre des Gaules
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position sur la montagne, attendait-il les nôtres et s'abstenait-il
d'attaquer. Ce ne fut que fort avant dans la journée que César apprit
par ses éclaireurs la vérité : c'étaient les siens qui occupaient la
montagne, les Helvètes avaient levé le camp, Considius, égaré par la
peur, lui avait dit avoir vu ce qu'il n'avait pas vu. Ce jour même César
suit les ennemis à la distance ordinaire et établit son camp à trois
mille pas du leur.
23. Le lendemain, comme deux jours en tout et pour tout le
séparaient du moment où il faudrait distribuer du blé aux troupes, et
comme d'autre part Bibracte, de beaucoup la plus grande et la plus
riche ville des Héduens, n'était pas à plus de dix-huit milles, il pensa
qu'il fallait s'occuper de l'approvisionnement, et, laissant les Helvètes,
il se dirigea vers Bibracte. Des esclaves de Lucius Emilius, décurion
de la cavalerie gauloise, s'enfuient et apprennent la chose à l'ennemi.
Les Helvètes crurent-ils que les Romains rompaient le contact sous le
coup de la terreur, pensée d'autant plus naturelle que la veille,
maîtres des hauteurs, nous n'avions pas attaqué ? ou bien se firent-
ils forts de nous couper les vivres ? toujours est-il que, modifiant leurs
plans et faisant demi-tour, ils se mirent à suivre et à harceler notre
arrière-garde.
24. Quand il s'aperçut de cette manœuvre, César se mit en devoir de
ramener ses troupes sur une colline voisine et détacha sa cavalerie
pour soutenir le choc de l'ennemi. De son côté, il rangea en bataille
sur trois rangs, à mi-hauteur, ses quatre légions de vétérans ; au-
dessus de lui, sur la crête, il fit disposer les deux légions qu'il avait
levées en dernier lieu dans la Gaule, et toutes les troupes auxiliaires ;
la colline entière était ainsi couverte de soldats ; il ordonna qu'en
même temps les sacs fussent réunis en un seul point et que les
troupes qui occupaient la position la plus haute s'employassent à le
fortifier. Les Helvètes, qui suivaient avec tout leurs chariots, les
rassemblèrent sur un même point ; et les combattants, après avoir
rejeté notre cavalerie en lui opposant un front très compact, formèrent
la phalange et montèrent à l'attaque de notre première ligne.
25. César fit éloigner et mettre hors de vue son cheval d'abord, puis
ceux de tous les officiers, afin que le péril fût égal pour tous et que
personne ne pût espérer s'enfuir ; alors il harangua ses troupes et
engagea le combat. Nos soldats, lançant le javelot de haut en bas,
réussirent aisément à briser la phalange des ennemis. Quand elle fut
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