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journées mais je ne me conduis pas comme un goujat, surtout envers
            une femme. Lorsque je suis à cran, j’attends d’être seul et sans témoin
            dans un cercle de cinq kilomètres à la ronde avant de blasphémer à voix
            haute. Ce jour-là, j’ai attendu que tu te rebelles pour bondir sur lui, mais
            tu n’as rien dit. Alors, je n’ai pas bougé. Je ne te comprends plus, je ne
            reconnais pas la petite fille, l’adolescente, la jeune femme que j’aimais
            et que j’aime. Où sont passées nos années de bonheur, Pauline, tu peux
            me répondre ? Te rappelles-tu nos promenades main dans la main, nous
            étions complices en tout. Cet après-midi, nous sommes deux étrangers,
            j’ai mal, très mal, Pauline.


            Complices en tout de la maternelle au primaire puis au collège, au lycée,
            rien, ni personne ne semblait pouvoir les séparer ! Est-ce cette certitude
            qui les a séparés ?
            La première séparation se concrétisa lorsque le père d’Alban, gendarme,
            fut muté dans le midi. La vie méditerranéenne offrit à l’adolescent
            déprime et tristesse. Au regard du désespoir du jeune garçon, le Fernand,
            son grand-père paternel exigea le retour de son petit-fils dans son village
            natal, les Moussières ici, à la montagne. Treize mois que les deux jeunes
            gens ne s’étaient pas vus, aussi, le jour de la rentrée scolaire, l’arrivée
            du car fit bondir de joie le cœur d’Alban. Pauline était là devant ses yeux.
            Son visage triste s’illumina en voyant Alban adossé contre le mur du
            lycée. Ses longs cheveux blonds bouclés s’étalaient sur ses épaules en
            toute liberté.
            Il s’était avancé vers elle, avait enfermé son visage dans ses mains et
            tendrement l’avait embrassée, se moquant des quolibets des uns et des
            sifflets des autres. Elle avait répondu à son baiser.

            - Bienvenue à la maison, la vie va reprendre. J’ai dormi durant treize
            mois, deux jours et quinze heures, dit Pauline en souriant.


            Quel bonheur, ce jour-là ! Son amour était enfin réciproque et son attente
            récompensée. Pauline était la première et la seule femme de sa vie. La
            seule qu’il aime, qu’il aimera. Il en était certain. Lui était confiant en
            ses sentiments envers elle.





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