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Chapitre I





            Adossée contre le chambranle de la porte de bois formée de lames en
            sapin brut horizontales, patinées par les affres du temps, en silence, elle
            admire le dos de l’artiste peintre d’un jour qui se détend tout en peignant
            les images que son regard a aimées lors de ses voyages aériens. Elle
            réenregistra dans sa mémoire défaillante le contour de ce dos aux larges
            épaules légèrement courbé sur son chevalet.


            La pièce principale de la maison édifiée en 1867 de son arrière-grand-
            père  s’est  transformée  au  fil  du  temps  en  atelier  de  peinture  ou
            simplement en lieu de détente pour Alban Pétraquin. Sur le côté gauche
            de la pièce, derrière la porte ouverte, les doubles fenêtres s’ouvraient au
            nord. Quatre-vingts centimètres de large par quatre-vingts centimètres
            de  hauteur,  les  ouvertures  garantissaient  la  fraîcheur  de  l’été  et
            empêchaient un peu le froid de pénétrer, à condition que le poèle à bois
            soit allumé.
            Au pied des fenêtres, la tablette en sapin supportait divers cailloux de
            taille, de forme aussi hétéroclites les unes que les autres, des morceaux
            Àe bois secs sculptés servaient de pots de fleurs à trois plantes vertes. À
            l’opposé, exposé au sud, un canapé en tissu aux motifs bigarrés tendait
            ses accoudoirs en bois à ceux qui le désiraient. Des dizaines de toiles,
            de tableaux, posés les uns contre les autres s’éparpillaient au gré de
            l’humeur du peintre.

            Tout cet amalgame d’objets inanimés, uniques et inventés par différents
            artistes, aidait au repos de l’âme. Alban prenait place sur son canapé, le



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