Page 13 - Avant-postes de cavalerie légère
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blesse, rien ne l’attaque ; l’homme est le seul maître de ce qui lui a
été confié au départ de la garnison ; son cheval et ses armes font
partie de lui-même ; la mort, ou un tort très grave qui mérite la
flétrissure, peuvent seuls l’en déposséder. Si j’avais été assez
heureux pour vous commander en guerre, comme j’ai eu l’honneur de
le faire en paix, j’aurais observé religieusement le droit sacré de
chacun à cet égard, et la dernière des recrues qui aurait eu soin de
son cheval, n’eût été démontée pour personne, pas même pour
l’officier le plus utile du régiment qui aurait perdu le sien.
C’est pour vous préparer à la science pratique des avant-postes, que
j’ai tracé ces souvenirs, cet espèce de manuel que je vous offre, et
que je l’ai fait précéder de ces réflexions qui sont, en quelque sorte,
leur préface. Depuis neuf mois que j’ai l’honneur de vous
commander, ou plutôt d’être le chef de notre famille, nos efforts
communs ont été couronnés de succès, puisque le régiment détruit
par le passage de ses vieux soldats dans un autre corps, compte
aujourd’hui 900 cavaliers prêts à entrer en campagne. Ces résultats
sont l’ouvrage de votre zèle ; qui set aussi bien en temps de paix doit
être à l’honneur de l’armée en temps de guerre.
Je ne puis copier cent fois ce manuscrit, pour le remettre à chacun de
vous ; je le fais donc imprimer pour m’éviter cette peine. Quant à sa
rédaction, je l’abandonne à la critique. Je n’ai pas voulu faire un livre,
mais bien être clair et instructif. J’ai cru, surtout, que la promptitude
de rédaction ajouterait à l’utilité du précepte, et j’ai jeté à la hâte sur
le papier mes souvenirs qui s’offrent là comme dans ma mémoire.
Aussi je vous le répète, ces pages ne sont pas une théorie, une
rédaction de ce que j’ai entendu dire, mais bien un récit de ce que j’ai
vu, une conversation qui doit être consultée plutôt qu’apprise, qui n’a
nullement la prétention surtout de se faire répéter mot à mot. Selon
moi, le mot à mot n’est bon, n’est indispensable que pour les
classes ; pour le reste, il est la science des médiocrités qui trouvent
toujours plus commode de faire travailler leur mémoire, que leur
jugement.
Plusieurs points vous paraîtront, peut-être, trop minutieusement
traités ou répétés, cela est possible : si j’ai eu ce défaut, je m’en
consolerais, parce qu’en fait d’instruction, il vaut mieux trop dire que
pas assez ; d’ailleurs, attendez l’application pour juger en dernier
ressort, peut-être alors me reprocherez-vous le défaut contraire.
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