Page 12 - Avant-postes de cavalerie légère
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Aujourd’hui, l’équipement d’un chasseur ou d’un hussard semble
conçu seulement pour servir à un complet déménagement de
garnison à garnison. Je ne puis m’empêcher, je l’avoue, de m’élever
contre l’idée antimilitaire qui a présidé, il y a quelques années, à cette
création . L’officier de cavalerie qui a fait la guerre ne sait que trop
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qu’un vaste portemanteau est bientôt vidé en campagne, non par
l’usage des effets qu’il contient, mais par la perte prompte de ces
effets. Si le portemanteau restait vide ensuite, il n’y aurait que demi-
mal, car ce serait une pure question d’argent et les chefs de corps en
seraient quittes pour un vilain paquetage ; mais il n’en est pas ainsi ;
le cavalier remplace toujours les effets inutiles qu’il a jetés par toutes
les guenilles qu’il trouve et qu’il n’aurait pas songé à ramasser s’il
n’avait pas eu de place pour les mettre. Un portemanteau de
cavalerie légère qui peut contenir plus de deux chemises, une
trousse, et, sous sa patte, une paire de bottes, est non seulement
inutile, mais même dangereux. Moins un cavalier a d’effets, plus il les
soigne, plus il est propre, plus il est disponible. Les chasseurs de la
garde impériale ont fait sous mes yeux, toute la campagne de Russie,
avec un dolman et un seul pantalon hongrois en drap.
Un des malheurs attachés à l’état de paix, c’est que ni le cheval, ni
les armes d’un cavalier ne sont à lui. Les hommes à pied du
régiment, et dont le nombre est considérable, allant toujours à
l’emprunt pour leur instruction, salissent les buffleteries et les armes,
saccadent les chevaux, et détruisent ainsi l’intérêt, l’instinct si
puissant de propriété, que tout homme a toujours pour ce qui n’est
touché que de ses seules mains.
J’ai vu souvent, dans l’ancienne armée, des cavaliers refuser des
congés, pour que leur absence n’autorisât personne à monter leurs
chevaux et à se servir de leurs armes.
De cet état d’esprit de propriété découlent les plus utiles et les plus
nobles conséquences ; en temps de guerre il est entier ; rien ne le
1 Ne faudrait-il pas mille fois mieux, si l’on tient à ce qu’un soldat possède une si riche garde-
robe, avoir des caisses qui suivraient le régiment, lors de ses changements de garnison, et
dans lesquelles on mettrait tous les effets qu’un cavalier ne doit porter qu’en temps de paix.
Le port de ces caisses coûterait peu de choses et éviterait le double inconvénient de blesser
le cheval, de l’éreinter inutilement et de forcer le paquetage à des enveloppes
disproportionnées avec sa véritable et utile destination.
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