Page 11 - Avant-postes de cavalerie légère
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ordres ; discipline maintenue qui empêche les cavaliers de raisonner,
            lorsqu’ils  n’ont plus  à craindre, ni  salle de police, ni prison ;
            surveillance qui empêche constamment de dépenser inutilement les
            forces  du cheval ; exemple personnel à donner dans  toutes  les
            positions, et à donner  avec  d’autant plus  de  constance, que les
            positions  sont  plus  pénibles  ou  difficiles ;  confiance entière,
            dévouement, élan à inspirer à ses cavaliers, voila ce que les théories
            de la paix n’apprennent pas, voila ce qui, joint au courage, au coup
            d’œil militaire, à la promptitude de  jugement  sur les  champs  de
            bataille, fait l’officier vraiment distingué.

            La paix vous a appris beaucoup de choses ; les exercices multipliés
            auxquels  elle vous  a livrés  ne seront pas  perdus  pour vous, parce
            qu’ils  ne  trouveront  pas  tous  leur  application.  Vous  retiendrez,
            surtout, de ces classes laborieuses qui ont brisé vos volontés et vos
            corps, l’esprit de discipline et l’adresse à manier vos  armes  et vos
            chevaux, base fondamentale de toute tactique. Nous trierons, dans le
            reste, ce qui est indispensable, de ce qui est moins  utile ; et nous
            rassemblerons  toute notre attention aujourd’hui divergée sur
            beaucoup de détails, sur les points principaux qui doivent l’occuper
            toute entière.

            La guerre, me disait un jour le général Lasalle, est au soldat qui n’est
            pas  sorti de sa garnison, ce qu’est le monde au jeune homme qui
            quitte les bancs des écoles ; ce qu’est l’application au précepte.

            La paix a donné de mauvaises  habitudes  au  cavalier léger qu’il
            faudra  qu’il perde en campagne ; la  facilité, l’obligation même
            d’envoyer  les  objets  d’habillement,  d’équipement,  d’armement  aux
            ateliers des ouvriers, pour la plus légère réparation ; la cuisine faite
            en commun par escadron ; l’habitude ridicule de souffrir jusqu’à des
            barbiers  dans  les  escadrons,  etc.,  etc. ;  empêchent  l’homme
            d’apprendre à suffire à soi-même.

            La  grande  quantité  d’effets  inutiles  qu’il  possède,  ces  pantalons
            d’ordonnance qu’il porte à pied, quand il fait froid, ces pantalons de
            toile pour l’été, ce luxe d’effets qui n’est bon qu’à l’habituer à ne pas
            soigner  son pantalon basané, et à  motiver l’emploi d’un énorme
            portemanteau  qui éreinte son cheval, sera laissé, sans  doute, au
            dépôt, au premier coup de canon.


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