Page 14 - Avant-postes de cavalerie légère
P. 14
L’étude est l’arsenal dans lequel vous puiserez vos armes, au jour de
l’action. Etudier avec soin, aide à penser et à agir vite ; et penser et
agir vite est le secret de l’officier modèle. Nulle part aussi bien qu’en
cavalerie légère ne se trouve l’application entière de ce mot d’un
grand homme : La promptitude, c’est le génie.
L’instruction théorique ne se donne qu’avec des entraves que
renverse l’action de la guerre. La froide méthode qu’elle nécessite,
gêne et comprime les rêves brillants d’une jeune imagination, qui n’a
été entraînée dans notre carrière, qui n’a aperçu de loin qu’une action
sur un champ de bataille. Souvent aussi, ce jeune homme, qui plus
tard sera l’honneur de nos avant-postes, placé à son début, sous la
verge plombée d’un caporalisme de tous les grades, qui ne raisonne
pas le pourquoi des choses, se dégoûte, parce qu’il ne trouve pas
d’écho à sa pensée bouillante, et n’aperçoit qu’une formule, où tout
autre lui ferait reconnaître un fait. Qu’il apprenne toujours patiemment
ce qui lui est montré ; plus tard il en fera l’application. Au premier
coup de canon, ses coudées seront franches, il secouera la
poussière du manège et de la chambrée ; sa poitrine respirera
largement ; ses yeux n’apercevront plus d’horizon ! mais les théories
apprises règleront ses mouvements qui puiseront leurs facilités dans
leurs préceptes. Cet avenir est peut-être près de lui aujourd’hui. Qu’il
se rappelle la semelle de plomb attachée au cothurne de la recrue
romaine.
En fait d’instruction, on n’est riche au jour de l’application, que
lorsque l’on est trop riche. Dans ce grand jour, il est trop tard pour
apprendre et il est temps de choisir le nécessaire et d’oublier l’inutile.
D’ailleurs, la guerre présente tant de chances diverses, se complique
de tant de positions, que la réserve de notre instruction peut trouver
aussi son application inattendue ; et si cette application se rencontre,
ne serait-ce qu’une seule fois dans notre vie, elle paie une année de
peines.
Quand les hommes de mon âge arrivèrent au bivouac, ils ne savaient
rien et nos études militaires nous faisant fantassins, nous débutâmes
en tristes cavaliers. Notre éducation se fit sous les coups de sabre
qui décimèrent souvent nos rangs ignorants et maladroits. Notre
bonne volonté, notre enthousiasme ne suffisaient point. A chaque pas
nous étions arrêtés par cette fatale ignorance. Il nous manquait ce
21