Page 7 - Avant-postes de cavalerie légère
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Manuel Laroche-Aymon me sert souvent à classer, je rassemble à la
hâte, et sous la forme la plus simple et la plus facile pour la mémoire
(celle non pas d’une théorie mais bien d’une conversation), le résultat
des principes que j’ai émis devant vous lors de nos réunions
classiques.
Le bien petit nombre d’entre vous qui a fait la guerre me jugera en
retrouvant ses souvenirs ; le reste apprendra ce qu’il ne sait pas, et
se servira de cette instruction comme d’un mémento qui, dans
l’occasion, lui rappellera ce qu’il pourrait oublier, et aplanira, je crois,
pour lui quelques difficultés.
L’esprit d’ordre qui vous a régis depuis quinze ans, vous a fait le bien
qu’il pouvait vous faire ; il a préparé la terre à recevoir, maintenant il
faut semer. La rigidité et la multiplicité des devoirs qu’il vous a
imposés vous a fait agir plutôt que réfléchir. En guerre, la réflexion la
plus soutenue doit marcher d’accord avec l’action. Les pures
machines, telles parfaites qu’elles soient, peuvent devenir inutiles,
dès que l’ordre de leur action se dérange, qu’un cas imprévu se
présente, leur mouvement s’arrête. En guerre, presque tout est
imprévu, en cavalerie légère, où l’homme est souvent livré à lui-
même, toute action doit marcher d’ensemble avec la réflexion.
Le tort des théories existe dans leur sécheresse ; le pourquoi
semblerait ne pas leur appartenir, et ce pourquoi cependant est l’âme
de notre action. C’est de ce pourquoi que nous causerons ensemble
aujourd’hui, afin que les exemples que nous présentera l’action, ne
soient perdus, ni pour le présent, ni pour l’avenir.
En paix, vous avez vu comment les choses se faisaient ; maintenant
vous allez voir pourquoi elles se font.
La guerre seule apprend la guerre. Les exercices classiques
auxquels nous venons de nous livrer ne sont qu’une théorie plus ou
moins parfaite, à laquelle il manquera une application, tant que nous
ne serons pas en campagne.
La guerre multiplie les positions et presque toujours d’une manière
instantanée, inattendue, et surtout pour le cavalier léger ; elle
présente les mêmes faits sous mille aspects différents ; il s’agit donc
moins de fixer d’avance le regard de la pensée sur tel ou tel point,
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