Page 3 - 2. La guerre civile
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LIVRE PREMIER

            1. Les lettres de C. César ayant été remises par Fabius aux consuls,
            ce ne fut qu'avec beaucoup de peine et sur les vives instances des
            tribuns  du  peuple  qu'on  obtint  d'eux  qu'il  en  fût  fait  lecture  dans  le
            sénat ;  mais,  quand  il  fut  proposé  que  le  sénat  délibérât  sur  le
            contenu de ces lettres, on ne put l'obtenir. Les consuls ne parlent que
            du danger de la république. Le consul L. Lentulus promet de défendre
            la république et le sénat, si l'on opine hardiment et courageusement ;
            "mais, si l'on ne cherche qu'à ménager César et à gagner ses bonnes
            grâces, comme on a fait jusqu'alors, il ne prendra conseil que de lui-
            même et ne déférera plus à l'autorité du sénat ; il a, lui aussi, un asile
            dans l'amitié de César." Scipion parle dans le même sens. "Pompée,
            dit-il,  est  prêt  à  soutenir  la  république,  pourvu  que  le  sénat  le
            seconde ; mais, si l'on hésite, si l'on agit mollement, ce sera en vain
            que plus tard le sénat implorera son secours".

            2. Ce discours de Scipion, tenu dans Rome en plein sénat, tandis que
            Pompée était aux portes de la ville, semblait sorti de la bouche même
            de Pompée. Quelques-uns avaient proposé des avis plus modérés.
            Ainsi, d'abord, M. Marcellus, parlant sur ce sujet, demanda qu'on ne
            fît au sénat aucun rapport sur cette affaire avant d'avoir levé par toute
            l'Italie une armée à l'abri de laquelle le sénat pût librement et sans
            crainte  ordonner  ce  qui  lui  plairait ;  ainsi  M.  Calidius  voulait  que
            Pompée se rendît dans les provinces de son gouvernement pour ôter
            tout prétexte de guerre, parce que César, à qui l'on avait retiré deux
            légions,  pouvait  craindre  qu'on  ne  les  employât  contre  lui  tant  que
            Pompée les retiendrait aux portes de Rome ; ainsi, encore, M. Rufus
            avait, à peu de chose près, opiné comme Calidius. Mais tous les trois
            furent  fortement  réprimandés  par  le  consul  L.  Lentulus,  qui  même
            refusa de mettre aux voix l'avis de Calidius. Marcellus, effrayé par ces
            reproches, retira le sien. Ainsi les cris du consul, la présence d'une
            armée, les menaces des amis de Pompée entraînent la plupart des
            sénateurs et les forcent, malgré eux, à se ranger à l'avis de Scipion.
            L'on décrète "que César licenciera son armée dans un délai prescrit ;
            et  que,  s'il  y  manque,  il  sera  déclaré  ennemi  de  la  république".  M.
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